Histoire
Naissance difficile, poumons abimés. Cœur abimé. (J’aime faire des petits malades.)
Bleu. Complètement bleu en sortant de sa mère. Inspiration. Expiration.
Il ne sentait pas le dioxygène pénétrer son corps. Il ne sentait que
cette vie qui le quittait. Il s’y accrocha.
Des centaines de boîtes
de médicaments, des journées entières chez le pédiatre. Opération. Des
mois de convalescence. A peine trois ans. Il ne comprenait pas. Aurait-il pu ne serait-ce qu'envisager la chose ?
Mais il a
vite appris qu’il n’était pas comme les autres. Ses longues quintes de
toux qui précédaient l’hôpital, la maitresse lui interdisant de jouer
dans la poussière, les parents lui bannissant les sucreries.
Il y eut un break, une sorte de "fin" à ce cauchemar... Puis il
eut une vie « normale » avec des géniteurs chouchouteurs qui n’oubliaient
bien sûr jamais ses médocs… Un train-train quotidien, ennuyeux.
Nouvelle rupture dans sa vie : l’entrée au collège. Changé de pays. Quitté, le Brésil. Bonjour le Japon. Peau bronzée entre peau pales. Discrimination.
Androgyne parmi garçons et filles.
Amoureux…
D’hétéros. Trois petits amis. Au moment de la découverte ou de l'aveu, la même réaction : surprise puis,
un soudain coup de téléphone urgent à passer ou autre excuse bidon.
Promesse faite entre eux de ne jamais en parler. Disparition de
l’ex-copain.
Aimer était difficile. Il le savait. Comme tout le monde. Mais se faire
quitter parce qu’on n’était pas du sexe opposé et pour son orientation sexuelle, ce n’était que plus déprimant.
Surtout que les filles le prenaient pour l’une des leurs et jouaient
avec ses cheveux blonds.
Encore une déchirure alors que sa vie était déjà un lambeau de tissu troué.
Il allait bien, ce jour-là. C'était rare, mais les médecins avaient dit qu'il pouvait faire du sport s'il ne dépassait pas ses limites et il ne les connaissait que trop bien. Environ quatorze ans et demi ? Ses parents lui avaient dit de ne pas forcer. Il était
parti jouer au foot avec les garçons de sa classe, comme avant.
Les filles rigolaient en disant que même une fille
aussi plate se ferait mal à la poitrine. Il s’en fichait. Il n'était pas une fille.
Au bout
d’une heure, il avait retiré son haut. Ses courbes faisaient rosir de
jalousie les demoiselles, par contre, cette façon de réceptionner le
ballon sur la douce peau nue de son torse…
Le match fini. Tout le
monde le regardait comme s'il n'était qu'un étranger, ils l'observaient comme une bête en cage. Il ne pensait pas que les enfants pouvaient être aussi cruels. Il les
appelait enfants, car il savait qu’ils ne faisaient plus partie du même
monde. C’en fût trop. Il s’éloigna. Car avant, il était diamétralement opposé à ce qu'il est maintenant. Son visage était illuminé par des sourires radieux, il essayait de vivre sa vie, il était plus qu'un simple survivant et il aimait les autres, il adorait jouer, s'amuser, passer du temps à parler pour ne rien dire pendant des heures... Mais ceci est du passé.
Il Se lia avec une bibliothécaire,
passait des soirées avec elle, lisait. Tout le temps. Préférant ce
passe-temps à ces inconnus qui étaient avant ses amis. Sa vie partie
vers la solitude jusqu’à ce que ses parents lui parlent d’un endroit où
il pourrait apprendre à vivre avec des gens : un hôpital psychiatrique.
Peur. Horreur. Epouvante. Tout ce que vous pouviez croire. Il s’enfuit,
emportant de grosses économies. Il vint, tout simplement se cacher là où
il ne connaissait rien. Ses parents comprirent leur erreur
instantanément. Mais ils ne s'en soucièrent pas réellement... avant qu'il ne passe un mois sans ses nouvelles.
Ce petit était un gosse de riche, il n'avait aucune crainte sur les dépenses, mais ses parents, encore moins.
Combien d’hélicoptères et de soi-disant agents secrets avaient-ils envoyés pour essayer de le retrouver ? Quel gaspillage, n'est-ce pas, alors qu'il était juste au fin fond d'un trou perdu, égaré, dans une nouvelle école dont il ne connaissait rien.